Supprimer le paludisme grâce au génie génétique

Imaginez qu’il soit possible de modifier génétiquement un organisme pour que l’espèce à laquelle il appartient disparaisse ? Ou imaginez qu’il soit possible de modifier génétiquement une population d’une espèce en voie de disparition de manière à la préserver ? Eh bien, c’est possible et nous allons vous expliquer comment et pourquoi.

Le forçage génétique est une technique de génie génétique qui permet, théoriquement, de transmettre 100 % d’un gène par reproduction sexuée. À l’aide de la technique d’édition de génome CRISPR/Cas9, le forçage génétique offre la possibilité de modifier une organisme vivant et ouvre un large éventail de solutions pour traiter des problèmes d’ordre mondiaux. 

Cette technique peut être utile notamment pour contrôler les espèces invasives, pour supprimer des gènes indésirables, tels que des gènes associés à des résistances à des antibiotiques ou insecticides, ainsi qu’elle peut être utile pour diminuer la propagation de certaines espèces. En somme, les domaines d’application sont les suivants : agriculture, lutte contre des maladies, conservation et arme biologique, par exemple pour transmettre de manière plus efficace certains pathogènes.

 Mais comment, me demanderez-vous, un nouveau gène peut-il être introduit ou supprimé ? Pour ce faire, nous utilisons la méthode CRISPR-Cas9 qui agit comme des ciseaux moléculaires et permet de couper un gène à un endroit précis et d’y introduire une mutation.

Mais comment fonctionne cette technique d’édition du génome ? Premièrement, les scientifiques doivent fabriquer un ARN particulier qui reconnaît un endroit précis sur l’ADN où nous voulons faire l’insertion. Ensuite, l’ARN guide s’associe au Cas9 et les deux forment un “ciseau moléculaire”, permettant la coupe à l’endroit souhaité. Cela endommage l’ADN. De cette façon, la cellule va effectuer une réparation en introduisant une mutation de manière aléatoire.

Cependant, le forçage génétique n’est pas parfait car il s’agit d’une méthode irréversible et incontrôlable. Normalement, la modification génomique portée par la mère ne devrait être transmise qu’à la moitié de la progéniture, mais grâce au forçage génétique, nous garantissons une copie de cette modification dans le chromosome paternel. Ainsi, la descendance porte deux copies de la modification qui se trouve à l’état homozygote, comme indiqué sur la figure suivante.

L’image ci-dessus montre comment cela est fait. Un fragment d’ADN vert est un gène modifié qui se propagera à l’ensemble de la population. L’image montre comment Cas9 insère le gène modifié pour que les deux chromosomes l’aient. En effet, une fois les individus génétiquement modifiés libérés, il n’y a plus de retour en arrière et la transmission est quasi certaine pour toute la descendance. C’est une réaction en chaîne à l’issue de laquelle tous les individus d’une population sont porteurs du trait issu du forçage génétique.

Le cas du paludisme

Le paludisme est une maladie infectieuse causée par un parasite du genre Plasmodium. Ces derniers ont la particularité d’utiliser plusieurs hôtes au cours de leur cycle de développement.
Le cycle de vie du parasite du paludisme implique deux hôtes : le moustique d’abord et l’homme ensuite. Le moustique va héberger le plasmodium dans ses glandes salivaires qu’il va transmettre en piquant lorsque l’insecte pique un humain ou un autre vertébré.

On estime que cette maladie touche 250 millions de personnes, dont 900 000 meurent chaque année. En raison de sa prévalence et du manque de traitements et de vaccins efficaces, le paludisme reste un problème majeur de santé publique en 2022. Pour contrer cela, de nombreux scientifiques tentent de lutter contre cette maladie grâce au génie génétique et au forçage génétique.

La bataille contre le paludisme

Alors, comment pouvons-nous utiliser cette technique nouvelle et puissante pour lutter contre le paludisme ? Pouvons-nous en fait éradiquer complètement la maladie? La vérité est que nous le pouvons probablement (1). Pourtant, le forçage génétique n’a pas encore été utilisé pour éradiquer le paludisme car la technique est trop puissante. Il est encore trop dangereux de laisser libre cours au forçage génétique. Le forçage génétique sera probablement utilisé dans le futur, alors examinons deux méthodes pour éradiquer le paludisme !

L’une des méthodes est la suppression de la population. Un forçage génétique peut être utilisé pour rendre les moustiques femelles infertiles, ce qui pourrait éradiquer ou réduire considérablement la population d’une espèce de moustique. Le forçage génétique continuera de se propager à mesure que les moustiques mâles continueront de s’accoupler et d’avoir une progéniture. Il convient de mentionner que toutes les espèces de moustiques ne peuvent pas être porteuses du paludisme et que toutes les espèces porteuses du paludisme ne peuvent pas être porteuses de types de paludisme qui affectent les humains. Une espèce de moustique particulièrement dangereuse est Anopheles gambiae, qui peut transporter le parasite du paludisme le plus dangereux, Plasmodium falciparum. Si nous pouvions simplement nous débarrasser d’Anopheles gambiae, ce serait formidable pour réduire le paludisme. Mais éradiquer une espèce entière est dangereux, elle pourrait avoir un rôle non négligeable sur l’écosystème et la biodiversité. Il y a un débat en cours à ce sujet. Les espèces porteuses du paludisme pourraient peut-être être remplacées par d’autres moustiques. Il existe cependant un risque que d’autres espèces porteuses de maladies prennent le relais (2) !

Il existe également une autre technique pour lutter contre le paludisme avec le forçage génétique. Grâce à des techniques d’édition de gènes, les scientifiques ont réussi à rendre les moustiques résistants au paludisme. Ces moustiques appartiennent toujours à la même espèce qui peut transmettre le paludisme. Il ne reste plus qu’à faire en sorte que les moustiques résistants au paludisme transfèrent leurs gènes à l’ensemble de la population ! Cela pourrait également être accompli avec des forçages génétiques, et s’appelle le remplacement de la population. L’image ci-dessous montre à quoi cela ressemblerait. Les moustiques verts modifiés sur la photo prennent le relais en quelques générations.

Les mots de la fin

Prenons un moment pour regarder en arrière et voir ce que nous avons appris dans cet article. Nous avons d’abord le forçage génétique. La méthode CRISPR/Cas9 permet de couper et coller des gènes. Ceci est utilisé pour faire en sorte qu’un organisme ait un gène modifié dans chaque chromosome, ce qui conduit à la transmission du gène à tous les descendants. Cela peut être utilisé pour lutter contre le paludisme.

Le paludisme est causé par un virus transmis à l’homme par des moustiques et cause la mort d’environ 900 000 personnes chaque année. Nous avons également vu qu’il existe en fait deux façons de lutter contre le paludisme grâce au forçage génétique. L’un des moyens est la suppression de la population, ce qui signifie que vous éradiquez ou réduisez considérablement la population d’une espèce. L’autre voie est le remplacement de la population, où une espèce entière est modifiée. En conclusion, nous avons examiné tout ce qui concerne la lutte contre le paludisme avec des forçages génétiques.

Espérons que rien n’ira mal si nous choisissons d’utiliser cette nouvelle technique ridiculement puissante appelée forçage génétique. Mais dans le meilleur des cas, nous pourrions dans un proche avenir assister au moment historique où la maladie désastreuse du paludisme sera éradiquée.

Nous espérons que vous avez trouvé notre article intéressant et merci de votre lecture ! Restez à l’écoute pour les prochains articles!

Sources

  1. Jennifer Kahn, 2016, “Gene editing can now change an entire species — forever | Jennifer Kahn”
  2. Hayley Dunning, 2021, “Malarial mosquitoes suppressed in experiments that mimic natural environments”
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